Arts visuels

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Dany Danino

°1971 –Israël (Yaffo)

www.danydanino.be

En quelques années, il a accompli avec ténacité un chemin assez considérable le plaçant aujourd'hui chez nous aux avant-postes de la création dans un registre à la fois très personnel et en même temps profondément relié à une longue tradition du dessin qui a traversé les siècles et qui a marqué une part fondamentale de l'art. On laissera à d'autres le soin d'entamer une étude sur le sujet qui exigera de fouiller dans les recoins de Dürer à Rembrandt, Da Vinci à Ensor, ce dernier constituant l'évidente et inévitable référence nationale. Sans doute cet aspect attire-t-il de nombreux regards car être relié à l'histoire et perpétrer des valeurs artistiques communément reconnues et solidement ancrées sont des accroches solides, rassurantes, vers lesquelles on se tourne volontiers face à un éclatement actuel tous azimuts des réalisations d'art visuel.

Avec le dessin, dit-on, on ne triche pas, il est une forme de talent à l'état pur et direct, pour autant comme c'est le cas ici, qu'il soit exécuté à main levée sans autre support que la dextérité et la capacité de conduire la ligne là où elle exprime avec le plus d'intensité l'intention à mille lieues de tout réalisme même au coeur d'une figuration souvent fidèle aux apparences. Ce que Dany Danino livre est avant tout une vision qui passe par le filtre de son moi existentiel. Ce n'est pas à proprement parler un reflet du monde, c'est au mieux l'image démultipliée et éminemment complexe de ce qu'il perçoit, connait, imagine, retient, interroge et vit. Son oeuvre, qui comme toutes les grandes oeuvres est une interrogation sur le sens de la vie et sur la tragédie du destin funeste de l'homme venu de l'homme et voué au néant, une fois encore, se situant dans une lignée séculaire dont on peut dire qu'elle perdurera puisque l'interrogation restera sans réponse définitive.

C'est un malstrom de l'intranquillité de tout être qui dessine et peint avec acharnement et obsession Dany Danino dans un baroquisme plus tourmenté que flamboyant dans une inquiétude taraudante dans une forme de désespoir dramatique qu'il convient de surmonter par une ardeur vitale pour s'en sortir temporairement. Ses champignons, violents comme des monstres menaçants, comme des tornades qui accumulent dans leurs entrailles toutes les réalités, les virtualités, les affres et les jouissances, les dieux et les êtres sont, qu'ils soient ou non surmontés d'une tête de mort, des épées de Damoclès qui s'abattront un jour. Qu'il dessine des crânes bourrées d'images, des corps humains bien charnels habités ou dévorés par toutes les passions, qu'il livre des visages meurtris ou défigurés, qu'il peuple ses dessins d'animaux que l'on croirait sortis de la géhenne mythique ou qu'il enferme en d'autres figures cet amalgame d'érotisme exacerbé de cultures mélangées, de biologies improbables, de religions mixées, Dany Danino en confrère de Bosch et de Dante pourchasse ses démons et interroge l'énigme de l'univers.

Dans les deux expositions conjointes où il livre ses bleus à l'âme avec âpreté et ses affinités à travers des portraits d'artistes, il multiplie aussi les techniques et élargit sa palette en s'orientant, par les lavis et encres diluées vers plus de picturalité. Ce faisant, il poursuit surtout son besoin de scruter au plus profond autant par la pratique que par l'image ce qu'il entreprend et ce qu'il le vrille.

Claude Lorent

La cute des anges rebelles, 2016 - Stylobille, feutre, encre et crayons de couleurs - (exposé à la Centrale de mars à mai 2016)