Créé en 1989 sous le nom Grand-Hornu Images et rebaptisé CID – centre d’innovation et de design au Grand-Hornu en 2014, notre association a pour ambition de promouvoir le design contemporain à travers une programmation d’expositions et d’activités de médiation, mettant en valeur l’innovation, la recherche expérimentale, l’émergence de nouveaux thèmes et horizons de recherche dans les secteurs du design, de l'architecture et du graphisme. Exprimant la diversité de ces domaines de création, le CID sensibilise le public à une culture du design et de l’architecture. Il interroge, étudie et explique cette culture en dialogue avec les créateurs, les chercheurs mais aussi les citoyens. Innovation disruptive Généralement, on comprend l’idée d’innovation dans son sens industriel comme étant quelque chose qui a fait progresser ou même révolutionné un secteur d’activité. Mais, bien plus qu’industrielle ou technologique, l’innovation est aussi culturelle, philosophique, sociale, pédagogique. Elle est le reflet des changements de notre société. En tant que matière culturelle, le design est d’ailleurs une précieuse illustration de notre monde, de ses aspirations, de ses euphories, de ses folies, de ses doutes, de ses angoisses et de ses enjeux. L’innovation est facteur de changement. De progrès. De surprise. De risques. Yves Mirande, critique de design, parle même d’innovation disruptive , disruptif signifiant en totale rupture avec les idées convenues. Bien plus que les avancées technologiques, ce sont les bouleversements de pensées qui nous intéressent dans l’innovation. Dans son livre de management « Design driven Innovation » , Roberto Verganti abonde dans ce sens lorsqu’il explique que l’innovation ne se porte pas spécialement sur la technologie mais bien sur le sens, la façon de penser et d’appréhender les choses. Innover c’est changer les façons de penser. Les technologies numériques, les biotechnologies et nanotechnologies ont, en quelques années à peine, bouleversé le monde industriel, les processus de fabrication, mais aussi les façons de regarder le monde. Le CID n’a pas pour mission d’étudier ces nouvelles technologies, ces nouveaux media en tant que tels. En revanche, ce qui nous interpelle dans ces nouvelles technologies, c’est la « nouvelle relation entre conception industrielle et pratiques quotidiennes de l’existence » . En nous penchant, en non spécialistes, sur l’évolution du monde digital et son impact sur le monde du design et de l’architecture, nous rejoignons la question posée par Nicolas Henchoz de l’EPFL + ECAL Lab : « Comment peut-on donner du sens aux technologies émergentes afin qu’elles résonnent avec nos émotions, notre quotidien, nos espaces de vie et notre environnement? » Parallèlement aux avancées digitales, les nouvelles façons de concevoir l’artisanat, de l’intégrer dans un travail contemporain, méritent qu’on les étudie et qu’on les valorise. Le CID portera donc une attention toute particulière aux projets innovants qui intègrent des savoir-faire traditionnels. L’innovation nécessite, et favorise en même temps, une transmission des techniques artisanales et des savoir-faire. Mais avec un regard neuf ou en lien avec d’autres techniques, avec une vision renouvelée des méthodes de production. En 2010, Nicolas Henchoz estimait que « l’industrie demeure encore organisée de manière très segmentée face à l’innovation et au progrès. On a d’un côté l’innovation technologique, de l’autre la création des designers qui intervient souvent trop tard dans le processus. Si l’on prend le progrès dans son idéal positif, il faudrait impérativement revoir la collaboration entre ces métiers. » Aujourd’hui, des designers comme Delo Lindo, Normal Studio, Formafantasma, Unfold, Jolan Van der Wiel, axent leur travail sur cette notion de collaboration voire de fusion entre les disciplines, entre le manuel et le virtuel, entre l’artisanal et le numérique. L’innovation dans la programmation du CID Raymond Loewy , dans son célèbre texte La Laideur se vend mal, analyse le comportement des acheteurs. Celui-ci se caractérise par « l’attraction du nouveau et la crainte du non familier. Le goût du public adulte n’est pas nécessairement suffisamment affiné pour accepter les solutions logiques à ses exigences si ces solutions impliquent une trop grande innovation par rapport à ce que l’acheteur a l’habitude de considérer comme une norme. En d’autres termes, ils ne marchent que jusqu’à un certain point. C’est pourquoi le dessinateur industriel astucieux est celui qui, avec lucidité, flaire le seuil de choc dans chaque problème particulier. » Le designer, le fabricant, doivent être innovants, proposer une nouveauté, une certaine surprise mais pas trop s’ils veulent que le produit reste vendable. Le CID sera lui aussi en quête de ce seuil de choc, de cette zone d’inconfort ou de résistance où le regardant se trouve confronté à quelque chose qui ne lui est pas familier. Mais plutôt que de rester devant ce seuil, le CID a pour ambition de le franchir, de le transgresser. Non pour choquer le spectateur, mais pour l’amener à dépasser sa peur de la nouveauté, de l’inconnu. Il y a un fondement sociétal très fort dans l’idée de dépasser la peur de l’inconnu : c’est un appel à l’ouverture à l’Autre. Le CID entend aussi valoriser et partager des travaux dont la force narrative invite au rêve, dont la partie spéculative ou prospective formule des utopies. La fiction est un aspect majeur de la création du designer. Parfois celle-ci trouve une expression qui confine à la poésie. C’est le cas, par exemple, du travail de Dunne et Raby, Matali Crasset, Markus Kaizer, Wieki Somers, Jolan van der Wiel. Il ne s’agit ici que de quelques-uns des représentants de ces démarches qui ont été exposés ou seront exposés au Grand-Hornu dans cet esprit, notamment dans les expositions In Progress, Space oddity : design/fiction, Futur archaïque, Lionnel Jadot/Mixed Grill, Design et décroissance… 2015 - … Traversant une succession de crises, de révolutions sans lendemain, d’interrogations et d’incertitudes, le contexte des années 2010 fait émerger des bouleversements divers. Quel rôle le design joue-t-il dans un environnement menacé, une société et un système économique dysfonctionnant, un sentiment d’insécurité et un besoin pressant de changement ? Fondamental. Le rôle du design est fondamental. Nombre de designers se sont d’ailleurs emparés de sujets brûlants comme la crise climatique, la finitude des ressources, le capitalisme aveugle, la guerre, les migrations, l’injustice sociale, le monopole des grands groupes industriels pour proposer des pistes de réflexion et des solutions. Celles-ci s’appuient sur la recherche de nouveaux matériaux plus respectueux ou recyclables, sur des circuits économiques courts, sur le co-working, l’open source, le partage de ressources et d’outils. Résister c’est également imaginer de nouveaux processus et méthodes. Depuis plusieurs années, on a vu une jeune génération de designers se pencher, non plus sur la production de produits finis (la énième chaise) mais bien sur la création de nouveaux outils, de nouveaux processus de fabrication et de modèles économiques qui permettent de créer dans un contexte morose, et avec la conscience d’un péril potentiel que l’activité industrielle fait peser sur la planète. La conjoncture actuelle force le besoin d’innovation, d’audace, de renouveau, d’excellence.