Arts visuels

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Carl Havelange

Mon travail s’inscrit dans la perspective ouverte d’établir des ponts entre arts et sciences. Comme historien, j’ai développé de nombreuses recherches concernant les cultures visuelles ou, plus largement, les cultures sensibles. Mais comment penser le sensible sans mobiliser, partiellement, ses propres moyens, ses propres puissances? De ce point de vue, je me refuse de poser le problème au départ de la distinction, toute convenue et, pour tout dire, infondée, entre « théorie » et « pratique ». Je tente au contraire de considérer d’un même geste les modalités distinctes des pratiques de connaissance et d’expression – « pratiques savantes » et « pratiques artistiques » - et d’explorer les moyens, pratiques eux-aussi, de leur articulation. C’est pourquoi, travaillant, par exemple, sur la question du paysage ou sur celle du portrait, je mène en même temps une recherche artistique – photographique ou littéraire – au départ de ces questions. Si mon travail artistique conserve une certaine autonomie, il se nourrit surtout, je l’espère, de ces porosités heureuses. C’est une voie qui plaide en faveur de l’unité de l’expérience humaine, où se rejoignent sans heurt ni fracture les dimensions du sensible et de l’intelligible. Une voie inconfortable également, puisqu’elle met à contre-pied des catégories les plus usuelles et des traditions les mieux établies. Une voie, enfin, qui ne s’accommode d’aucune arrogance : « substituer à l’orgueil de la conquête, la modestie de l’accueil », écrivait François Cheng dans l’un de ses livres…

Démesures du paysage #7, 2015


Le portrait et ses marges #23, 2012