Arts visuels

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Chris Lecler

°1981 – Liège

L’artiste belge Chris Lecler développe dans son travail un intérêt pour le design, une influence toujours présente dans ses sculptures et assemblages d’éléments hétérogènes. Le mobilier dessiné par la communauté religieuse des Shaker est le point de départ ou plutôt la réponse à une série de travaux dont l’artiste présente certaines pièces à la galerie Jeanrochdard à l’occasion de son exposition personnelle Zest. La rigueur des Shakers bannit de leur esthétique toute forme de joie et de fantaisie pouvant les détourner de Dieu. Chris Lecler reprend certaines propositions de leur design rationnel pour créer un ensemble de sculptures autonomes. Colonial Swag par exemple, qui tire son nom de la défense d’éléphant, élément décoratif qui orne encore beaucoup d’intérieurs contemporains, illustre la ramification coloniale d’un certain type de design. Les défenses, souvent interprétées comme symbole phallique, continuent encore è ce jour d’être utilisées comme aphrodisiaques par les Chinois. Fixé à une armature métallique, sorte de squelette qui laisse entrevoir un poster d’un film de Jacky Chan dont le texte est en caractères arabe, la défense d’éléphant contribue à accentuer les références multi-culturelles de la pièce. Le poster, planté dans ce qui ressemble à une bougie est en réalité le moulage d’une conserve. Sur un autre tube d’acier repose deux moulages de doigts «d’honneur». Chris lecler convoque ainsi une de ses recherches en cour sur la culture des gangs, le langage des signes et les anecdotes historiques ! En effet, l’origine du doigt d’honneur viendrait des archets médiévaux pendant la guerre de Cent ans opposant les anglais aux français. La sculpture est presque une sorte de cadavre exquis surréaliste mais en 3 dimensions et dont le Comte de Lautréamont aurait dit qu’il est «beau comme la rencontre fortuite sur une table de dissection d’une machine à coudre et d’un parapluie». La seconde sculpture entretient avec le design une connexion encore plus forte. Prenant pour point départ le design d’un vieux phonographe du 19e siècle, l’artiste travestie ensuite la forme originale en silhouette de trois «poulets». Sorte de «nature morte» détournée, l’oeuvre illustre l’interprétation idiosyncratique du medium sculpture par l’artiste à travers son utilisation des matières et des objets. Il utilise souvent des objets issus de la production industrielle aux connotations «pop» (canettes, citrons... ) auxquels il donne une nouvelle apparence en ayant recours à une série de d’interventions. Il joue ainsi sur le paradoxe entre production en série et pièce unique, entre industrialisation et art, entre fonction et forme. C’est en assemblant de façon inattendue ces objets hétérogènes que Chris Lecler crée des correspondances et des contrastes surprenants, au sens profond presque subliminal allant de la religion, à la politique en passant par la psychanalyse.

Sam Steverlynck

 

 

Brunch, 2015

Polystyrène extrudé, Gesmonite, paraffine, acier,

pigment, peinture aérosol, verre, résine époxy.

100 x 50 x 70cm

 

Colonial Swag, 2014

Acier, Latex sur bois, résine époxy, paraffine,

poster, peinture aérosol.

90 x 100 x 50 cm.