Arts visuels

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Marie Sordat

° 1976 - Tours (France)

mariesordat(at)gmail.com

mariesordat.net

 

 

Marie SORDAT, MotherLand

« Si mes images te disent quelque chose », dit-elle. À cela, que répondrez-vous ? 

Qu’il arrive, peut-être, que des images nous disent des choses qui ne prennent sens (ou même simplement forme) que dans l’inexprimable, l’intraduisible. Ecrire avec la lumière, qui plus est à la pointe du couteau, vous impose de défier le paradoxe (la même lumière écrit et, mal dosée, efface), et exige de vous une retenue de funambule, de médium, d’alchimiste. Marie Sordat a choisi ses matériaux : la neige, le charbon, et quelques arcs électriques tracés dans l’énergie qui les relie. Elle nous parle de l’humain dans une syntaxe méconnaissable, inconfortable et qui, à pas de loup, fait insensiblement sortir le visible de lui-même. 

À moins que... La question finalement porte-t-elle sur ce que vous disent les images, ou sur ce que vous aurez, vous, à en dire ?... 

Il y a des secrets qui ne s’échangent qu’en silence. Dans le blanc froid des périodes givrées de la vie, dans l’interstice des murs craquelés, dans l’intervalle d’où nous venons tous et où tous nous cherchons notre billet de retour, du bout des ongles, comme la monnaie de notre soif, l’étanchement de notre besoin d’absolu ou de consolation. Marie Sordat voyage (Bosnie et Herzégovine, France, Italie, Géorgie, Etats-Unis…) sans ramener de photos de voyages – ou alors de voyages intérieurs, car ses photos sont davantage des miroirs mentaux que le strict reflet du monde qui l’entoure. Une âme seule, rien ne l’entoure d’ailleurs, qu’un peu de neige et de charbon. Parfois, un trait de couleur passe dans le ciel. Il y a des moments pour avancer, d’autres pour attendre. D’autres pour rien. 

Jaillies comme par les échancrures du réel, les figures que dessine la photographe semblent le plus souvent évoquer la déchirure de la maternité, un coin de voile levé sur un monde en deuil, un retour à l’écriture de la lumière comme surgissement, comme apparition. Il faut ici considérer le paysage comme un état d'âme, ou plutôt les états d'âme comme une forme particulière de paysage. En ce compris les visages.

Marie Sordat durcit le ton, tranche dans les contrastes, taille dans le vif.

MotherLand : refuge ou violence, terre patrie ou langue maternelle. Mais s’en sortir passe par les yeux. Pas – ou plus, ou pas encore – par la bouche, par le verbe, par les mots. Et à toi, Marie, que te disent, dans le blanc des yeux, les silences magnifiques de tes images ?...

Emmanuel d’Autreppe, avril 2012

 

Extraits de la série Motherland-Bosnia, 2012