Arts visuels

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Emmanuelle Quertain

°1987 - Bruxelles

e.quertain(at)gmail.com

 

 

La peinture est quelque chose qui, pour moi, ne se présente pas comme une évidence. Les tableaux ne communiquent pas.

La qualité qu’ont certaines couleurs à ne pas s’unifier, se déclarer homogènes (certains gris-verts, des verts-bleus, des roses entre l’orange et le blanc, des verts entre le jaune et le brun) montre un doute, un questionnement que permet de poser la peinture sur le plan d’une perception du réel.

Pour parler d’un état actuel de « la vue » comme « sens », comme capacité d’un sujet à se situer dans le monde, je dirais « qu’on ne voit rien mais qu’il y a quelque chose à voir ». Cet état des choses annonce bien à mon sens, un certain présent. Dans une société où on assiste au recourt de la surproduction d’image en masse, l’oeil est saturé. Donc, « on ne voit rien ». La peinture est mon pas de côté face à cet état des choses quant à l’usage des images. Elle assume qu’il reste quelque chose à voir.

La peinture est la discipline dans laquelle il m’est possible de réfléchir la gravité, la tristesse et le sérieux de notre subjectivité moderne. Donc, quelque chose d’un morcellement, d’une division apparaît quand on peint.

Si je ne fais pas d’installation, de performance, de vidéo c’est parce que j’en suis bien incapable. J’estime aussi qu’il me serait impossible de densifier une pensée sous d’autres formes. Le grand intérêt du travail de peintre vient du fait que le tableau se trouve en face de nous. De cette manière, il m’est possible d’apprendre de lui.

Dans son cadre, le tableau fait intervenir la notion d’images qui, dans le cas de mon travail précisément, ressemble à « nos habitudes de visions ». Je veux dire par là qu’il nous semblerait reconnaître des choses de notre monde quand on regarde certains de mes tableaux (arbres, bouquets de fleurs, couteaux, visage, paysage…). Le besoin de faire appel à « nos habitudes de vision » dans le champ de la peinture vient du fait que je souhaiterais observer quelque chose qui est « extérieur ». Quelque chose qui existe au dehors, dont la présence marque mon oeil, est probablement la seule chose qui soit, à mon sens, digne d’être vue pour parler de beauté sans devenir obscène ou dilettante.

Peindre, à mon sens, c’est soutenir une contradiction de départ : celle d’aller au devant d’une chose dont on ne sait presque rien et de vouloir cependant faire cette chose que j’appel tableau sans savoir tout au long du processus de travail quel résultat sera obtenu une fois le chemin parcouru.

 

Deikoreisenbüro n°3, 29.7 x 21 cm, huile sur aluminum, 2018 / Photographie : Simon Vogel

Feast of Fools. Bruegel Rediscoverd, 2019