Arts visuels

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Charlotte Lavandier est une artiste qui utilise essentiellement la sculpture et l’installation mais aussi la vidéo, le dessin et la photographie.

Entre frontalité et métaphore, sa pratique se conçoit comme une pièce à conviction. Elle questionne notre rapport à l’héritage génétique, social et politique en extirpant des bribes rêches du réel qui mettent en lumières ce que l’on ne voit pas, ce que l’on ne voit plus. Elle tente ainsi de faire émerger une parole étouffée, des lieux et des regards de vies soumises à la précarité dans son sens large. À travers les photos d’un centre de demandeurs d’asile, une feuille d’arbre albinos, une pellicule super-8 vendue au marché aux puces, une série de robinets... elle témoigne de la complexité et de la singularité afin de s’opposer à la normalisation. Elle pointe des éléments du réel qu'elle envisage comme des symptômes tangibles de formes d’oppressions contemporaines qui s’expriment de manière insidieuse dans notre intimité. Son geste artistique est une forme de résistance face à ce qui nous maintient immobiles et prisonniers et elle s’intéresse, en ce sens, à ce qui différencie et conditionne l’espace public et l’espace privé. 

Depuis 2019, sa pratique se déploie dans l’espace. Influencée par son cursus en architecture intérieure, elle accorde une attention particulière aux éléments spatiaux qui relèvent de la banalité, mais n’en demeurent pas moins cruels. En réponse à la domination du sens de la vue dans notre société technicienne et consumériste, elle s’empare du toucher, de l’odorat, et de l’ouïe (odeur des matelas, sons étouffés, frottement de la tête sous le faux plafond...) afin de donner à ressentir la violence symbolique qui s’exerce au-delà des frontières du visible. Sa pratique artistique tend à éloigner les spectateurs de leur posture contemplative. À cet effet, ses installations les placent dans une position d’inconfort physique et/ou mental qui provoque un déséquilibre propice au questionnement. Les corps solitaires s’éprouvent et font l’expérience d’être contenus dans des espaces étroits dont l’emprise déclenche une forme de lutte.

Monument des paroles étouffées, 2019, matelas, semelles de chaussures, planches mdf, bois rabotés, 250 x 360 x 180 cm. © Maxime Rouchet 

La Bienséance, 2020, rideaux du théâtre national de Bruxelles, tubes en acier, 200 x 300 x 500 cm. © Maxime Rouchet